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En 1971, en Australie, Kim Ryrie crée le magazine Electronics Today International (ETI) dans lequel sont publiés les schémas de deux synthétiseurs hybrides analogiques/numériques disponibles en kit et conçus par Trevor Marshall, l’ETI 3600 et 4600 . Ces deux synthétiseurs seront commercialisés en Angleterre par Maplin Electronics Ltd.
Mais frustré par leurs limitations, Ryrie propose à Peter Vogel, un ancien camarade de classe, la création d’une entreprise afin de développer une machine conçue autour d’un microprocesseur afin de contrôler numériquement des oscillateurs analogiques (technologie qui sera employée dans le Prophet 5 en 1978).
Fairlight Instruments Pty Ltd est créé en décembre 1975. Le nom Fairlight provient d’un hydroptère qui naviguait devant la maison de la grand-mère de Kim Ryrie à Sydney.


Qasar – 1975

Parallèlement, Tony Furse, alors ingénieur conseil pour Motorola, fonde son entreprise Creative Strategies Pty Ltd à Sydney en 1972 afin de produire son premier synthétiseur, un hybride analogique/numérique, le Qasar I.
Intéressé par ce premier prototype, Don Banks, compositeur et directeur de la Canberra School of Electronic Music, parvient à convaincre l’école et le gouvernement fédéral australien à aider financièrement Furse afin de développer le Qasar. Cette collaboration avec Don Banks donnera naissance au Qasar II, un synthétiseur numérique duophonique bi-processeur (6800 Motorola 8 bits).

Le Qasar M8 (Multimode 8) sort en 1975. C’est un synthétiseur bi-processeur (6800 Motorola 8 bits), polyphonique 8 voix utilisant la synthèse additive avec la possibilité de dessiner et d’éditer les formes d’ondes avec un stylo optique sur un écran. Le M8 dispose d’un clavier de 4 octaves ainsi que de deux lecteurs de disquettes 8″.

En 1976, Kim Ryrie et Peter Vogel rencontre Tony Furse pour une présentation du Qasar M8.
Séduits par la démonstration, ils négocient une licence afin de produire le M8 sous la marque Fairlight. Le Qasar M8 sera amélioré avec notamment un nouvel OS, le QDOS, une variante du système Motorola MDOS, et un clavier de 6 octaves. Il sera baptisé simplement Qasar.
C’est l’ancêtre direct du Fairlight CMI.

Le but initial de Ryrie et Vogel était de concevoir un synthétiseur totalement numérique, capable de générer des sons très proches des instruments acoustiques tout en disposant d’un contrôle total des différents paramètres du son, d’une manière aussi élaborée qu’un musicien avec son instrument. De la modélisation acoustique avant l’heure en quelque sorte.
Déçus par la qualité et la pauvreté des sonorités du Qasar, ils décident d’enregistrer numériquement des sons naturels afin d’obtenir des sonorités plus riches et plus complexes.
Ce procédé, l’échantillonnage, a été utilisé pour la première fois avec le Computer Music Melodian de Harry Mendell , échantillonneur monophonique sorti en 1976.
Ironie du sort, l’échantillonnage, qui va bouleverser la musique et le processus de création sonore à partir des années 80, n’était pour Vogel et Ryrie à cette époque qu’une alternative très limitée à leur concept d’origine. En effet, les sons échantillonnés, bien que plus riches que de simples formes d’ondes numériques, ne peuvent être contrôlés aussi aisément ; quelques paramètres tout au plus : l’attaque, le sustain, le vibrato et le decay. Vogel et Ryrie reconnurent eux-mêmes que le sampling était une manière biaisée d’obtenir des sons plus riches de leur instrument :

We wanted to digitally create sounds that were very similar to acoustic musical instruments, and that had the same amount of control as a player of an acoustic instrument has over his or her instrument. Sampling gave us the complexity of sound that we had failed to create digitally, but not the control we were looking for. We could only control things like the attack, sustain, vibrato, and decay of a sample, and this was a very, very severe limitation of the original goal that we had set ourselves. We regarded using recorded real-life sounds as a compromise – as cheating – and we didn’t feel particularly proud of it.

Kim Ryrie – Audio Media magazine, Janvier 1996

Après avoir retenu l’idée d’inclure le processus d’échantillonnage, Vogel et Ryrie vont orienter la conception de leur instrument dans cette direction. Afin de financer leur projet, Fairlight fabrique pour la firme Remington Office Machine, environ 120 ordinateurs de bureau, basés sur l’architecture bi-processeur du Qasar.


Computer Musical Instrument – CMI I 1979

En 1979, le résultat de leur travail aboutit au Fairlight CMI I. CMI signifie Computer Musical Instrument. Reprenant l’architecture du Qasar, le CMI I est constitué d’un clavier de 73 notes, d’une unité centrale équipée de deux lecteurs de disquettes 8″, le système d’exploitation QDOS, un clavier alphanumérique, un moniteur monochrome ainsi qu’un stylo optique. Le CMI I est la première machine proposant à la fois le sampling, la représentation graphique des formes d’ondes, la synthèse additive et un séquenceur. C’est la première Workstation. Malgré la qualité médiocre de l’échantillonnage (8 bits – 24 khz maximum), le Fairlight est présenté comme une machine capable de reproduire parfaitement de véritables instruments et est livré avec une banque de sons sur disquettes proposant divers échantillons d’instruments acoustiques.

Afin de trouver des clients et des distributeurs, Peter Vogel parcourt le monde avec un CMI.
Durant l’été 1979, il rencontre Peter Gabriel à Bath dans son studio lors de l’élaboration de son troisième album. Vogel fait une démonstration du CMI à Gabriel, Stephen Paine (un proche de Gabriel), Hugh Padham et Steve Lillywhite. Impressionné par les possibilités de la machine, Gabriel utilise le CMI pendant la semaine où réside Peter Vogel chez lui. Il en fait finalement l’acquisition et fonde avec Stephen Paine, Syco Systems, le premier importateur et distributeur Fairlight en Europe. John-Paul Jones est le second acquéreur (en remplacement de son Mellotron !). Puis, Richard Burgess (Landscape), Kate Bush, Geoff Downes, Trevor Horn, Alan Parsons, Rick Wright, Thomas Dolby, Stewart Copland, J.J. Jeczalik (Art of Noise), Mike Oldfield… Aux USA, le CMI rencontre le même succès auprès de Stevie Wonder (premier client), Herbie Hancock, Jan Hammer, Joni Mitchell… En France, Jean-Michel Jarre, Indochine, Daniel Balavoine, Louis Chédid… En Autriche, Hubert Bognermayr (Eela Craig).

Du fait de la mauvaise qualité des sons livrés initialement avec le CMI, beaucoup d’utilisateurs ont réalisé leurs propres échantillons. Certains ont été inclus par la suite dans la banque de sons officielle Fairlight.


CMI II 1982

En 1982, une version légèrement améliorée du CMI voit le jour : le CMI II. La fréquence d’échantillonnage passe de 24 à 32 khz, toujours en 8 bits. Mais l’innovation la plus importante est l’introduction de la Page R, le premier séquenceur avec représentation graphique des 8 pistes et des notes. Il fonctionne sur le principe de pattern (ensemble de mesures), que l’on peut répéter, copier, coller… La quantification des notes est aussi possible. La Page R a révolutionné l’utilisation du séquenceur. Certains musiciens ont acquit un CMI uniquement pour ce séquenceur graphique. Cette même année sort Shock The Monkey de Peter Gabriel, premier succès commercial comprenant du Fairlight.


CMI IIx 1983

En 1983, une mise à jour majeure du CMI apparait : le Fairlight CMI IIx. Plusieurs cartes internes ont été modifiées. Les deux processeurs 6800 ont été remplacés par des 6809 et une interface MIDI/SMPTE a été ajoutée.


CMI III 1985

En 1985, une nouvelle étape est franchie avec le Fairlight CMI III. Bien que partageant une architecture commune avec le CMI II, le CMI III est le premier sampler 16 bits avec une fréquence d’échantillonnage de 50 khz max. en stéréo ou 100 khz en mono. La polyphonie passe de 8 à 16 voix. Un disque dur a été ajouté. Un nouveau système d’exploitation (OS 9) a été développé. Le lightpen est remplacé par une tablette graphique. La page R est remplacée par un nouveau séquenceur, le CAPS (Composer, Arranger, Performer, Sequencer).


Voice tracker et Computer Video Instrument – CVI 1985

Quelques mois après sort le Voice Tracker, un convertisseur Pitch-to-Midi pour la voix ou les instruments acoustiques et le CVI (Computer Video Instrument), une machine de traitement d’images et d’effets vidéo.


Music and Effects – MFX 1987

En 1987, Fairlight se tourne vers le marché de la post production avec le MFX (Music and Effects).
Le MFX (aussi appelé MFX III) est en fait un CMI III avec un nouveau clavier de contrôle adapté au nouveau séquenceur Cue List.

Au début des années 80, un premier concurrent dans le domaine du sampling fait son apparition : E-mu avec l’Emulator en 1981 puis l’Emulator II en 1984. D’autres constructeurs suivront en proposant des samplers aux tarifs de plus en plus abordables : Akai avec le S612, le S900 puis le S1000 et Ensoniq avec le Mirage. Les séquenceurs font aussi leur apparition sur les micro-ordinateurs tels que l’Atari ST ou le Macintosh. La suprématie de Fairlight dans ces deux domaines, le sampling et le séquenceur « graphique » commence à vaciller. De plus, avec environ 300 CMI vendus dans le monde, le marché est saturé.

Stephen Paine de Syco Systems décide d’arrêter l’importation et la distribution de Fairlight en Europe. Du côté de Fairlight, plusieurs erreurs stratégiques commerciales sont commises, notamment concernant la distribution aux USA. Ces différents facteurs ont conduit Fairlight à la faillite à la fin de l’année 1988. Vogel et Ryrie trouvent de nouveaux financiers et créent une nouvelle entreprise, Fairlight ESP (Electric Sound and Picture) en avril 1989. Kim Ryrie reste le principal actionnaire, président et directeur des produits. Peter Vogel quitte Fairlight pour devenir indépendant.

Fairlight ESP se consacre uniquement au marché de la post-production avec des machines telles que les MFX1 (1990), MFX2 (1992), MFX3 (1994), MFX3plus (1996), MFX3.48 (2000) et le DREAM (2003).
Les MFX, jusqu’au modèle MFX3, sont toujours basés sur l’architecture du CMI III et possèdent encore ses fonctionnalités. Ce n’est qu’à partir du MFX3plus que la compatibilité CMI III est abandonnée.